15 Apr
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Avant de confronter les appellations FLE et FLI, il est essentiel d’expliquer ces deux notions étroitement liées et qui, nous le verrons dans cet article, ne sont pas totalement opposables l’une à l’autre. Si le FLI cible un public et une démarche pédagogique bien précise, le FLE est un concept plus général dans l’enseignement du Français et qui prête parfois à confusion dans l’utilisation de cet acronyme. 

Qu’est-ce que le FLE ?

Le Français Langue Etrangère est une langue vivante qui est enseignée aux étrangers non francophones dont l’objectif est de pouvoir communiquer en langue française. Le FLE est enseigné aussi bien à l’étranger qu’en France. De la méthode grammaire-traduction jusqu’à l’approche actionnelle en passant l’approche communicative, l’enseignement du FLE a connu des innovations didactiques et pédagogiques au cours de ces 70 dernières années mais l’objectif est resté inchangé :répondre aux besoins de ses apprenants. Ces besoins sont parfois très différents selon les publics et les contextes : apprendre le français pour voyager en France, apprendre le français pour étudier en France, apprendre le français pour travailler avec des interlocuteurs français, apprendre le français pour l’enseigner dans une école en France ou à l’étranger…Selon publics, les thématiques et les contenus de formation vont donc variés même si le cadre européen commun de référence (CECR) 1 permet aux passeurs de la langue d’avoir un descripteur complet des compétences à acquérir pour l’atteinte d’un niveau cible (A1, A2,B1, B2, C1, C2).

Les appellations du FLE

Au fil des années, suite à des prises de positions différentes et des débats animés entre des experts et les institutions, des spécialistes des sciences du langage ont fait savoir que les champs d’application du FLE n’étaient pas assez précis. De nouvelles appellations sont donc venues compléter, voire bousculer selon les avis, le FLE. La première « spécialisation » du FLE qui apparait est le Français Langue Seconde (FLS). Cette appellation fait référence à l’origine à l’enseignement du français dans le système scolaire : à l’école, au collège ou au lycée pour des mineurs non francophones dont l’objectif est d’intégrer et de suivre le programme scolaire « normal ». Le FLSCO (le Français Languede Scolarisation) prendra le relai dans l’enseignement du français en contexte scolaire. Puis d’autres appellations sont apparues :

  • Français Sur Objectifs Spécifiques (FOS) qui, comme son nom l’indique, est une nt l’objectif est l’acquisition de besoins langagiers très ciblées : le français pour des médecins étrangers ou bien le français juridique dans une filière du droit.
  • Français sur Objectif Universitaire (FOU) destiné à des étudiants étrangers souhaitant suivre un cursus universitaire en Français : suivre un cours magistral, comprendre le fonctionnement de l’administration universitaire, etc. Nous pouvons caractériser le FOU comme une spécificité du FOS et donc du FLE.
  • Français à visée professionnel ou français Langue Professionnelle (FLP) a pour objectif d’apporter des bases linguistiques indispensable pour accéder à l’emploi pour des publics allophones ou francophones ayant un niveau très inférieur à l’oral et à l’écrit. C’est cette différence qui permet de « dissocier » le FOS du FLP.
  • Français Langue d’Intégration (FLI) est l’utilisation du français dans un contexte d’immigration et donc d’intégration à la société Française. 

Notre article s’intéresse essentiellement au rapport qui peut exister entre le FLE et le FLI. Nous avons dans cette première partie tenter de vous détailler les champs d’application du FLE, il est essentiel, avant de confronter ces deux appellations, de vous détailler dans une seconde partie notre perception du FLI. 

Le FLI : Champs éducatifs et public spécifiques

Le Français Langue d’Intégration répond à un besoin spécifique dans l’acquisition du français ce qui va engendrer une pédagogie adaptée à un public bien précis. Pour en comprendre son intérêt, revenons d’abord sur l’origine de cette appellation.

« Depuis les années 1980, il ne s’agit plus d’une immigration de travail constituée majoritairement d’hommes jeunes et seuls qui viennent travailler pour un temps limité puis repartent au pays : la « noria » des travailleurs que décrit Noiriel (1988) fait place à un mouvement d’implantation durable de familles qui s’installent et fondent leurs projets en France » 2

Cette modification va entrainer de profonds changements dans la politique Française sur les questions relatives à l’intégration des populations étrangères. En effet, la maîtrise de la langue française va prendre une dimension plus importante car elle n’est plus considérée comme un objectif d’apprentissage mais un outil indispensable pour s’intégrer socialement et professionnellement en France. L’apprentissage de la langue en situation d’immersion à donc changer la donne : Il est indispensable pour les migrants, voire vital de comprendre et de se faire comprendre. Avant d’être un apprenant, c’est :

  •  Un acteur social qui doit interagir pour accéder à une autonomie sociale (démarches administratives, faire ses courses, suivre la scolarité de ses enfants, se déplacer…).
  • Un acteur économique qui doit travailler pour subvenir à ses besoins et/ou à ceux de sa famille
  • Un acteur citoyen qui connaître et respecter les valeurs républicaines et les règles du pays d’accueil : la France.

Référentiel et Label FLI

Les institutions françaises vont se saisir de ce sujet et à travers la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France et de la Direction de l'Accueil, de l'Intégration et de la Citoyenneté, un référentiel pour l’obtention d’un label « FLI » va être publié. Ce référentiel, à destination des organismes de formation souhaitant obtenir le label FLI, va catégoriser les missions des différents services à l’aide d’une grille de lecture, de critères à respecter pour l’obtention du label. Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici sont les critères relatifs à l’enseignement du FLI et les approches différentes qui vont la distinguer du FLE :

  •  Documents authentiques classés : articles de journaux, petites annonces, documents administratifs… (banque, poste, mairie, bibliothèque, Pôle Emploi…, supports authentiques audios ou vidéos (films, publicités, émissions de radio, flashs info…)


  • L’objectif du FLI est résolument pragmatique. Il vise la réalisation de tâches impliquant les multiples échanges du quotidien, que ce soit dans les relations interpersonnelles ou transactionnelles. Il s’agit pour les migrants, dans un premier temps, de comprendre et de se faire comprendre, dans les situations familières de la vie quotidienne, sociale ou professionnelle, et la conformité stricte à la norme phonétique, syntaxique ou grammaticale n’est pas une priorité. Le migrant doit donc savoir utiliser des formes linguistiques socialement situées, ancrées dans les pratiques langagières courantes et se les approprier pour élargir progressivement ses compétences et son répertoire langagiers.


  • Le FLI accordera une place centrale à la question scolaire du point de vue des relations entre les parents et les institutions éducatives, du suivi scolaire des enfants, des usages scolaires...


  • Le FLI est aussi lié à l’insertion professionnelle des migrants qui doit avoir une représentation claire, même très schématiquement, du monde de l’emploi(connaissance des agences et structures de recherche d’emploi, d’orientation, d’insertion par l’activité économique…) du travail (respect du code du travail, droits et devoirs du salariés …), du contexte économique et socioculturel de l’entreprise(relations hiérarchiques, modes d’adresse…), du fonctionnement des différents types d’entreprise…


  • Une formation FLI doit traiter des droits inaliénables des citoyens garantis par les lois de la République française : liberté d’expression, droit de choisir ses représentants, droit à l’instruction gratuite, droit à la protection des individus, des salariés, de la vie privée, droit au respect des opinions politiques, syndicales, religieuses mais aussi de l’athéisme, l’agnosticisme ou l’apostasie. À cet égard, la laïcité est un principe fondamental en France : elle veille à la stricte séparation du politique et du religieux, de l’espace privé et de l’espace public, à l’expression et à la pratique de toutes les religions dans le respect strict des lois de la République française. Elle doit également aborder les devoirs des citoyens ainsi protégés par la loi qu’il faut respecter en toutes circonstances : instruction obligatoire, respect de l’égalité absolue des hommes et des femmes, respect des institutions de la République française et de ses représentants, respect de la justice et de ses représentants, obligation de s’acquitter des impôts sur lesquels s’appuie l’État solidaire 


Ces extraits tirés du référentiel FLI nous démontre les spécificités qui vont se différencier du FLE et non remplacer le FLE à savoir : L’utilisation de supports authentiques auxquels sont confrontés les migrants dans leur quotidien, la priorité axée sur « comprendre et se faire comprendre » plutôt que les formes orales et écrites des interactions, des thématiques ciblées sur les relations sociaux-professionnelles et citoyennes des apprenants plutôt que des leçons « très générales ».


FLE vs FLI : Une vraie fausse opposition ?

Nous avons suffisamment décrit les champs d’application du FLE et du FLI pour apporter notre opinion sur la question : Y a-t-il une différence entre le FLE et FLI ?Comme toutes les appellations de l’enseignement du Français qui sont apparues ces 30 dernières années, il est difficile de confronter ces deux notions car le FLI est plutôt considéré
comme une branche du FLE avec ses particularités. Certains décrivent le FLE comme la langue enseignée à des non francophones de passage en France, ce qui est, selon nous, une description très sommaire de l’enseignement du FLE. Que faisons-nous des étrangers qui apprennent le français dans leur pays d’origine pour diverses raisons (personnelles, professionnelles, ouverture culturelle…) ? Il n’y aurait donc aucune appellation de l’enseignement du français pour ces publics ? Pourtant les institutions d’apprentissage du français dans les pays étrangers proposent pour la quasi-totalité des cours de FLE. C’est justement cette confusion qui va fait naitre une opposition entre les appellations. 

Le FLE à donc pour unique définition : l’apprentissage du français à un public étranger.

Le FLI quant à lui a perdu son appellation depuis la suppression du LABEL en 2018 pour des raisons idéopolitiques : L’appellation FLI, utilisée et créée pour dispenser des formations linguistiques à des migrants signataire du contrat d’intégration républicaine 3 a été considérée comme « inutile ». Le débat sur l’intérêt du label FLI n’est pas l’objet de cet article mais il a grandement contribué à mettre en confrontation le FLE et le FLI d’où la nécessité de faire ce rappel.Le 

FLI au service du FLE

Si l’appellation FLI est de nos jours très peu utilisée, la démarche pédagogique qui s’y réfère est toujours bien encrée. Les formations linguistiques à destination des primo-arrivants en France ne portent plus officiellement l’appellation FLI. L’Office Français de L’intégration et l’Immigration (OFII), opérateur de l’état à intitulé les marchés publics « FL » : Formation linguistique. Pourtant, lorsque l’on consulte les contenus pédagogiques et le programme de formation proposé, nous constatons que la priorité de la formation est axée sur des thématiques liées au quotidien des apprenants (Déplacement, Parentalité, logement, santé, éducation, citoyenneté.) et sur l’utilisation de supports authentiques (formulaire d’inscription Pôle-emploi, documents CERFA, enregistrement audio en contexte…)… le fondement même de la démarche du Français Langue d’Intégration.

De plus, tout étudiant souhaitant se former aux sciences du langage n’aura plus la possibilité de choisir un master FLI car depuis la réforme tous les masters portent la mention FLE. Cependant, lorsque nous étudions de plus près les programmes, nous constatons que la marque du FLI est toujours présente dans les modules proposés : « politiques linguistiques », « Français en situations de migration ». Au même titre d’ailleurs que les autres appellations (FOU, FOS, FLSCO…)

Sur ce constat, nous pouvons dire que le FLI a été « absorbé » et qu’il s’est mis au service du FLE pour ajouter une corde de plus à son arc.

1 Le Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer (CECR) a été conçudans l’objectif de fournir une base transparente, cohérente et aussi exhaustive que possible pour l’élaborationde programmes de langues, de lignes directrices pour les curriculums, de matériels d’enseignement etd’apprentissage, ainsi que pour l’évaluation des compétences en langues étrangères.
2 Hervé Adami et Virginie ANDRÉ, « Corpus et apprentissage du Français Langue d’Intégration (FLI) », Linx [Enligne], 68-69 | 2013, mis en ligne le 19 novembre 2015, consulté le 14 avril 2022. URL :http://journals.openedition.org/linx/1535 ; DOI : https://doi.org/10.4000/linx.1535
3 Le contrat d'intégration républicaine (CIR) est conclu entre l'État français et tout étranger non européen admisau séjour en France souhaitant s'y installer durablement, sauf exceptions. Le signataire s'engage à suivre des formations pour favoriser son insertion dans la société française. La formation civique est obligatoire. Uneformation linguistique peut vous être demandée en fonction de votre niveau en français.
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